L’homme qui s’est battu avec Coulibaly à Montrouge témoigne
C’était il y a trois mois. Le 7 janvier, la rédaction de Charlie Hebdo était massacrée par les frères Kouachi. Le lendemain, jeudi, leur complice Amédy Coulibaly abattait à Montrouge une jeune policière, Clarissa Jean-Philippe. Itélé a retrouvé Laurent, un agent de maîtrise de la ville, présent au moment de cet assassinat. L’homme a tenté de neutraliser le terroriste, en vain.
Après un accident de la route en fin de matinée, lui et l’un de ses collègues discutaient avec l’agent de 27 ans quand Amédy Coulibaly s’est approché d’eux et a commencé a tiré. « Cette image de son visage comme ça, sans expression, ça j’oublierai jamais », raconte aujourd’hui Laurent, qui préfère témoigner à visage caché. Lui ne réalise pas tout de suite ce qu’il se passe. « Il y a des couleurs qui sortent du canon, mais c’est couleur feu d’artifice un petit peu, ça parait irréel, factice », explique-t-il. « J’ai tapé sur le bout du canon en lui disant : ‘Mais arrête tes conneries, avec ce qui s’est passé hier, c’est pas une blague à faire.’
« Tu veux jouer, tu vas crever »
Mais Amédy Coulibaly a déjà touché les deux autres personnes à ses côtés. « C’est quand j’ai retourné la tête et que j’ai vu le visage de mon collègue déformé par la balle, avec du sang qui giclait de partout, après j’ai vu Clarissa déjà à genoux », dit-il. Laurent commence alors à se battre avec celui qui sera tué le lendemain dans l’Hyper Cacher, après avoir tué quatre autres personnes. « Sans aucune expression, sans haine, sans rien, il m’a dit comme ça militairement : ‘Tu veux jouer, tu vas crever. » Amédy Coulibaly le met alors en joue avec un pistolet, puis part finalement en courant. « J’ai cru pendant des mois qu’il m’avait épargné », raconte Laurent. Mais en réalité, « l’arme s’est enrayée ».
Dans le combat, l’agent de maîtrise a tout de même réussi à arracher la cagoule de Coulibaly, qui permettra plus tard de l’identifier. Après le départ du terroriste, Laurent a porté secours à son collègue, encore conscient. Clarissa, elle, était déjà morte. Lui est sorti de la tuerie de Montrouge indemne physiquement. Il a repris son travail quatre jours plus tard.