le préfet Thierry Coudert fait le point sur l’avenir des polices municipales
Police municipale
Sécurité locale : entretien avec Thierry Coudert sur les grands chantiers de l’Intérieur
Publié le 18/11/2014 • Par Hervé Jouanneau • dans : A la une, A la Une prévention-sécurité
© D.R
Dans un entretien accordé au Club prévention sécurité de la Gazette, le préfet Thierry Coudert, nommé en juin 2014 délégué aux coopérations de sécurité au ministère de l’Intérieur, fait le point sur l’avenir des polices municipales, la réforme de la sécurité privée et dresse un état des lieux de la vidéoprotection en France.

Le Club Prévention Sécurité
Le nom de Thierry Coudert n’est pas inconnu des policiers municipaux. En tant que directeur de cabinet de Brice Hortefeux, alors ministre des collectivités territoriales, il fut en 2006 l’un des artisans du protocole d’accord sur la professionnalisation des policiers municipaux.
Après avoir poursuivi une carrière de haut-fonctionnaire et s’être investi en politique, ce préfet de 56 ans a été nommé en juin dernier délégué aux coopérations de sécurité. A ce titre, il est chargé du dialogue avec les polices municipales, le monde de la sécurité privée et celui de la vidéoprotection. L’occasion de passer en revue les grands chantiers qui attendent les acteurs de la sécurité locale.
Les policiers municipaux ont connu un nouveau drame au début du mois de novembre avec la mort d’un agent à Vénissieux lors d’une course-poursuite. Suite à cet événement dramatique, la question de la dangerosité du métier de policier municipal a de nouveau été posée. Quelle est votre réaction ?
Après celle d’Aurélie Fouquet le 20 mai 2010 à Villiers-sur-Marne, la disparition brutale de Yacine Zobiri, tout juste 30 ans, alors qu’il poursuivait un véhicule volé à Vénissieux, nous rappelle que le métier de policier municipal reste soumis aux dangers de la criminalité violente. Car, le rôle des polices municipales est notamment de mener une action de prévention et de dissuasion de terrain, aux côtés des forces de police et de gendarmerie nationales. Elles peuvent même se retrouver parfois, comme c’était le cas ici, en première ligne.
A l’instar des policiers et des gendarmes, elles sont donc confrontées à ce que notre société a de plus violent ; confrontées également à la part de détresse – parfois de désespoir – qu’elle peut porter en elle.
Dans un contexte certes différent, ces deux décès en service forcent notre respect. Ils doivent également continuer de nous faire réfléchir sur les évolutions à entreprendre pour permettre aux policiers municipaux de remplir leurs missions dans les meilleures conditions de sécurité possible.
Les policiers municipaux sont nombreux à attendre le vote de la proposition de loi sur les polices territoriales, déjà adoptée en juin dernier au Sénat. Ce texte sera-t-il bientôt examiné à l’Assemblée nationale ?
La proposition de loi portée par les sénateurs René Vandierendonck et François Pillet a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale. Nous sommes maintenant en attente de son inscription à l’agenda. Le gouvernement déposera les mêmes amendements que devant le Sénat.
L’une des priorités fixées par les gouvernements successifs est de renforcer la coopération entre les polices municipales et les forces de sécurité régaliennes. Pour ce faire, les policiers municipaux demandent un accès direct aux fichiers de police, sans forcément passer par un officier de policier judiciaire. Cette revendication va-t-elle aboutir ?
Il s’agit là d’un sujet sensible et important. Comme l’ont souhaité les deux ministres de l’intérieur successifs, nous travaillons sans tabou sur les modalités techniques et juridiques, qui sont très complexes, pour obtenir l’ouverture d’un accès direct à certains fichiers – le fichier des véhicules volés, le fichier national des immatriculations et éventuellement le fichier national des permis de conduire – pour l’obtention des informations dont les policiers municipaux ont à connaître dans le cadre de l’exercice de leurs missions. Je laisserai le soin au ministre de l’Intérieur de faire les annonces lorsque les décisions seront validées.
En outre, ces dispositions offriront aux policiers municipaux les moyens de participer activement et plus efficacement, aux côtés des forces de l’ordre, au plan de lutte contre les vols de véhicules.
Répondant à une autre demande professionnelle, le ministre de l’Intérieur a lancé en 2013 quatre expérimentations de « partage des fréquences » radios entre les polices municipales et les forces de sécurité de l’Etat. Où en est-on ?
Cette expérimentation de I’interopérabilité des réseaux radio a démarré en septembre 2013 sur quatre sites distincts : Nancy et Evry en zone police, Libourne et Annecy-le-Vieux en zone de gendarmerie. Cette expérimentation s’inscrit dans le cadre des coopérations de sécurité à développer entre les différentes forces. Elle a prioritairement pour objet de fluidifier la circulation de l’information, plus particulièrement dans l’hypothèse d’un danger immédiat, tel que ce fut le cas lors du drame de Villiers-sur-Marne, le 20 mai 2010.
L’expérimentation est différenciée : prêt de postes Acropol à Nancy et à Evry avec ouverture d’une conférence dédiée, intégration au réseau rubis de 20 postes radio Motorola détenus par la PM de Libourne au moyen d’une valise d’interopérabilité, prêt de postes portatifs rubis à Annecy-le-Vieux (la PM a abandonné son réseau analogique pour une utilisation complète des postes gendarmerie).
Quel bilan dressez-vous de cette expérimentation ? Sera-t-elle généralisée ?
Globalement, les premiers résultats de cette expérimentation se révèlent très positifs. Elle est très bien accueillie par le personnel sur le terrain, d’autant qu’elle génère un sentiment de plus grande sécurité dans l’accomplissement des missions de police municipale. Et me référant aux évènements de Villiers-sur-Marne ou de Vénissieux, c’est une première satisfaction.
Les enseignements définitifs de l’expérimentation seront tirés début 2015 et je ferai alors, en lien avec le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, une proposition au ministre. En outre, je crois savoir que la police municipale de Libourne fera un retour d’expérience à l’occasion du débat sur les polices municipales organisé par le Club prévention sécurité de la Gazette à Toulouse le 2 décembre prochain.
Les gouvernements successifs ne cessent d’encourager le développement des polices intercommunales. Mais celles-ci peinent aujourd’hui à décoller. Comment améliorer le développement de ces polices intercommunales ?
Le développement des polices intercommunales figurent dans la proposition de loi. Lorsque je suis en contact avec les élus, je tente de les convaincre du bien-fondé de cette organisation. La mutualisation intercommunale permettrait de mieux adapter l’action des policiers municipaux aux variations, dans l’espace et dans le temps, des besoins de présence, ainsi qu’aux évolutions territoriales de la malveillance.
L’intercommunalité peut offrir également une plus grande souplesse dans l’emploi des effectifs, qui pourraient, par exemple, être mobilisés pour la gestion d’évènements sportifs, culturels concernant telle commune ou telle autre. La mutualisation profite aussi aux petites communes qui, autrement, n’auraient pas les moyens de se doter d’une police municipale. Les maires peuvent trouver là les moyens de réaliser des économies d’échelle et de structure.
La mutualisation intercommunale est également l’une des nombreuses propositions du rapport sur la lutte contre l’insécurité du député Jean-Pierre Blazy, présenté en octobre dernier, qui concernent également les conventions de coordination ou encore la formation (dont la création d’une fiche métiers pour les coordonnateurs de CLSPD, les opérateurs de vidéoprotection…). Comment avez-vous réagi à ces propositions ?
Nous allons étudier la faisabilité juridique et technique des propositions de la commission Blazy qui concernent les polices municipales. Certaines propositions sont déjà dans la proposition de loi. Il convient en outre de regarder s’il n’est pas possible, pour aller plus vite, de prendre des dispositions d’ordre réglementaire.
S’agissant du développement de la vidéoprotection, votre prédécesseur, Jean-Louis Blanchou, estimait en 2012 que l’effort de développement était « derrière nous ». Partagez-vous ce constat ?
Concernant les activités de surveillance, on observe une demande sans cesse renouvelée de la part des entreprises et des collectivités locales en matière de vidéoprotection, qui représente une aide précieuse à la prévention de la délinquance ainsi qu’à l’élucidation des délits, et qui est maintenant globalement acceptée dans notre société comme un outil au service de la sécurité commune.
En 2014, 385 projets ont été envoyés par les collectivités et ont été traités par notre Délégation.
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