Propositions pour augmenter l’efficience des policiers municipaux
Question orale sans débat n° 0613S de M. Louis Nègre (Alpes-Maritimes – UMP)
publiée dans le JO Sénat du 24/10/2013 – page 3052
Réponse du Ministère chargé de l’agroalimentaire
publiée dans le JO Sénat du 22/01/2014 – page 410
M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous constatons une recrudescence des actes frauduleux dans notre pays, notamment en matière de sécurité routière.
L’action déjà engagée dans ce domaine, qui concerne tous nos concitoyens, doit être renforcée. Pour ne prendre qu’un exemple parmi tant d’autres, le nombre de fausses plaques d’immatriculation a augmenté de 50 % d’une année sur l’autre !
Face à ce constat, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, a répondu : « Il faut sans doute que les contrôles soient plus efficaces ». Je ne peux que partager cette prise de position !
Or nous savons tous à quelle surcharge de travail sont confrontées les forces de l’ordre nationales. C’est pourquoi, comme je vous l’avais déjà demandé le 22 novembre 2012, je souhaite à nouveau une véritable « union sacrée » des trois forces de sécurité de ce pays : police nationale, gendarmerie nationale et police municipale, cette dernière disposant de 18 000 agents formés, compétents et adaptés aux réalités du terrain.
Monsieur le ministre, il faut arrêter avec les discours ou les atermoiements dans l’attente du énième rapport émanant d’une haute instance administrative. Tout cela a déjà été fait, et pour une application quasi nulle !
Monsieur le ministre, je m’insurge contre cette inefficacité.
Le problème est archiconnu, l’urgence est là. La maison flambe, mais nous continuons de détourner la tête, alors que, plus que jamais, nous avons besoin de tout le monde sur le pont afin de renforcer la sécurité de nos concitoyens.
Il faut donner à la police municipale les outils nécessaires. Je prendrai deux exemples pour illustrer la situation ubuesque dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui quotidiennement.
La procédure de mise en fourrière nécessite la consultation du fichier des véhicules volés ou celui du système des immatriculations de véhicules. De même, la consultation du fichier des permis de conduire est nécessaire dans le cadre d’une infraction au code de la route.
Or, dans toutes ces procédures, la police municipale est obligée de demander ces renseignements indispensables pour l’exécution de ses missions à la police nationale, laquelle – bien sûr – les lui donne systématiquement.
À Cagnes-sur-Mer, commune de 50 000 habitants, le fichier des véhicules volés est sollicité en moyenne quinze fois par jour, celui des permis de conduire, au moins cinq fois, et celui des immatriculations de véhicules, au moins vingt fois ! Le commissariat de la police nationale est donc dérangé inutilement au moins quarante fois par jour, sans compter l’attente induite pour le contrevenant.
Cette situation est d’autant plus incompréhensible que de simples professionnels de l’automobile – vendeurs, loueurs, assureurs… – peuvent, eux, avoir accès au fichier des immatriculations de véhicules par le biais du site du ministère de l’intérieur.
Ma question est simple, monsieur le ministre : quand le Gouvernement autorisera-t-il les fonctionnaires de la police municipale à consulter directement ces fichiers ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, chargé de l’agroalimentaire. Monsieur le sénateur, la lutte contre la délinquance, pour être efficace, suppose une mobilisation partagée…
M. Louis Nègre. Très bien !
M. Guillaume Garot, ministre délégué. … dans le respect des règles et, surtout, des compétences de chacun.
M. Louis Nègre. Tout à fait !
M. Guillaume Garot, ministre délégué. C’est absolument indispensable.
Vous l’avez rappelé, les textes d’approbation de traitements automatisés, pris après avis de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, permettent aux agents de la police municipale d’être destinataires uniquement dans la limite du « besoin d’en connaître » des informations que ces fichiers contiennent. Telle est la règle qui s’impose.
C’est notamment le cas pour le système national des permis de conduire, le SNPC, le système d’immatriculation des véhicules, le SIV, et le fichier des véhicules volés, le FVV.
Afin de faciliter le travail des policiers municipaux, une circulaire d’août 2013 les rend destinataires de données du fichier des personnes recherchées, le FPR.
Dans tous ces cas où les agents de police municipale peuvent être destinataires des données personnelles contenues dans les fichiers SNPC, SIV, FVV et FPR, et dans la limite du « besoin d’en connaître », la consultation s’effectue par l’intermédiaire des agents de la police et de la gendarmerie nationales spécialement habilités. C’est la règle ! Cette procédure, c’est vrai, est consommatrice de temps et génératrice de délais. Mais il faut rappeler son sens : elle a pour but de garantir la traçabilité des demandes et la sécurité des connexions.
Cependant, je veux le rappeler de façon claire et sereine, le ministre de l’intérieur porte la plus grande attention à l’amélioration des conditions de travail des policiers municipaux et à leur efficacité opérationnelle. Aussi a-t-il demandé qu’une réflexion soit conduite par ses services en vue d’étudier la faisabilité juridique et technique d’un aménagement des conditions d’accès à certains de ces fichiers, sans rien céder évidemment aux garanties qui doivent présider au respect des libertés individuelles, et en tenant compte du fait que ces agents ne sont pas placés sous l’autorité directe d’un officier de police judiciaire. Il est d’ailleurs prévu que ce sujet fasse partie des points qui seront évoqués lors de la prochaine commission consultative des polices municipales.
Plusieurs pistes sont actuellement explorées. Il s’agit d’éviter ce que l’on appelle les « recherches complexes », en limitant la consultation aux seuls éléments strictement indispensables à l’exercice des missions des policiers municipaux, tout en plaçant ces opérations sous un contrôle renforcé de l’officier de police judiciaire, afin d’éviter toute dérive.
Certains dispositifs techniques automatisés semblent, à ce stade de l’expertise, de nature à satisfaire à ces conditions.
Pour l’instant, donc, le travail continue et la question sera à l’ordre du jour de la commission consultative dont j’ai parlé.
En 2014, nous devrions disposer d’éléments tout à fait tangibles et concrets, avec des dispositifs qui répondent aux impératifs que sont l’efficacité opérationnelle, la sécurité de nos concitoyens et la garantie des libertés individuelles.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. J’ai bien entendu votre réponse, monsieur le ministre. Je vois que, au deuxième coup de boutoir, les choses bougent un peu : il y a un début à tout ! (Sourires.)
Je suis très heureux d’apprendre que la commission consultative des polices municipales, dont je connaissais l’existence mais n’avais pas encore constaté la réunion, peut travailler sur ces sujets.
M. Guillaume Garot, ministre délégué. Tout à fait !
M. Louis Nègre. Vous avez rappelé la règle qui s’impose dans ce domaine et constaté que l’accès aux données se faisait toujours par l’intermédiaire de la police nationale, afin de garantir la traçabilité, dites-vous. Cet argument me laisse songeur. En effet, il me semble que la police municipale est assermentée, et que ses agents doivent obtenir l’agrément du préfet et du procureur de la République. Il me semble, en outre, qu’avec les moyens informatiques et électroniques dont nous disposons désormais, la traçabilité est assurée de façon certaine. L’auteur d’une telle demande peut être aisément détecté. Cet argument important dans votre raisonnement, qui était pertinent auparavant, me semble donc ne plus avoir de fondement.
Vous dites le ministre de l’intérieur très attentif à ce sujet, monsieur le ministre. J’espère que l’on va dépasser le stade de l’attention, pour rejoindre celui de l’action !
Il est tout de même étrange – j’ai même parlé de « situation ubuesque » il y a un instant – de constater que certains professionnels de l’automobile, qui, eux, ne sont ni assermentés ni agréés par le procureur de la République ou le préfet, peuvent accéder à ces fichiers. C’est le monde à l’envers !
En ne permettant pas à la police municipale, troisième force de sécurité en France, d’obtenir directement ces renseignements, on oblige ses agents à téléphoner à la police nationale – quarante fois par jour, je l’ai dit, pour la seule ville de Cagnes-sur-Mer – pour les lui demander. Cette requête, bien entendu, est automatiquement satisfaite, mais fait perdre du temps à tous. Or, on le sait, nous avons besoin de ces forces de l’ordre sur le terrain !
Il faut trouver des systèmes beaucoup plus efficaces, qui ne portent en rien atteinte aux libertés de chacun, et qui s’inscrivent dans le cadre des missions dévolues aujourd’hui – aujourd’hui, monsieur le ministre – à la police municipale.
J’attends beaucoup, non pas de l’expertise – une de plus ! -, mais des réponses concrètes qui seront apportées sur le terrain, notamment en ce qui concerne l’accès à ces fichiers : il permettra à la police municipale d’intervenir et de protéger nos concitoyens, et ce n’est pas rien, monsieur le ministre !
http://www.senat.fr/basile/visio.do?id=qSEQ13100613S&idtable=SEQ13100613S&rch=gs&_c=asvp&al=true