Revocation d’un policier municipal
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Cour Administrative d’Appel de Marseille
N° 10MA03305
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre – formation à 3
M. GONZALES, président
Mme Aurélia VINCENT-DOMINGUEZ, rapporteur
Mme HOGEDEZ, rapporteur public
GRIBALDO-NAVARRO, avocat
lecture du mardi 29 janvier 2013
Texte intégral
Vu, enregistrée par télécopie le 18 août 2010 et par courrier le 19 août 2010, la requête présentée pour M. A…D…domicilié…, par Me B…F… ; M. D…demande à la Cour :
- d’annuler le jugement n° 0902974 rendu le 11 juin 2010 par le tribunal administratif de Nice ;
- de faire application de l’avis du conseil de discipline de recours de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur en date du 8 juillet 2009 ;
- de mettre à la charge de la commune d’Auribeau-sur-Siagne le paiement d’une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que s’il a effectué un travail chez un particulier, c’était gratuitement et dans le cadre d’un échange de services ; que seul l’employeur peut être poursuivi pour le délit de travail dissimulé ; que ces accusations reposent sur la seule délation d’un administré ayant des griefs personnels à son encontre ;
- qu’il n’a certes pas remis en personne le document adressé à Mme C…mais s’était assuré qu’elle en était immédiatement informée ; que Mme C…avait donné tout pouvoir à sa fille pour prendre tout document provenant de la mairie ;
- qu’il ne lui incombait pas de s’occuper des timbres amendes, cette tâche étant dévolue à son supérieur hiérarchique ; que si certains de ceux-ci n’ont pas été transmis, il n’y avait aucune intention volontaire de sa part ; qu’il s’est conformé aux ordres et instructions de son supérieur hiérarchique ;
- que le maire était nécessairement au courant des mises en fourrière et enlèvements d’épaves effectués à titre gratuit ; que les courriers qu’il signait devaient nécessairement faire l’objet d’un contrôle par le maire ; qu’il n’a jamais été rappelé à l’ordre par le maire sur cette pratique ; que seul son supérieur hiérarchique a perçu de l’argent pour ce type d’enlèvements ;
- que tous les véhicules dont il a conservé les certificats d’immatriculation ont été détruits ; qu’il a seulement été négligent ; qu’il n’a jamais été supervisé et a souvent été livré à lui-même, devant pallier la carence de son supérieur hiérarchique ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2010, présenté pour la commune d’Auribeau-sur-Siagne, par Me E…H… ;
La commune demande à la Cour :
- de rejeter la requête de M.D… ;
- de mettre à la charge de M. D…le paiement d’une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
- que les faits reprochés à M. D…sont avérés ;
- qu’étant donné leur répétition sur plusieurs années et leur particulière gravité, l’avis du conseil de discipline de recours du 8 juillet 2009 préconisant une exclusion temporaire de fonctions de deux ans est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, la seule sanction possible étant la révocation ;
- que les conclusions tendant à la substitution de la sanction d’exclusion temporaire de fonctions à celle de révocation sont irrecevables ;
Vu le mémoire enregistré par télécopie le 20 avril 2011 et par courrier le 22 avril 2011, présenté pour M. D…par Me F…-I… ; M. D…conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire enregistré le 20 juillet 2011 présenté pour la commune d’Auribeau-sur-Siagne par MeH… ; Elle conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire enregistré par télécopie le 13 septembre 2011 et par courrier le 16 septembre 2011, présenté pour M. D…par Me F…-I… ; M. D…conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et ajoute que le jugement n° 0804274 du tribunal administratif de Nice n’a pas été exécuté ;
Vu le mémoire aux fins de production de pièces complémentaires enregistré le 4 novembre 2011 présenté pour la commune d’Auribeau-sur-Siagne par MeH… ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83- 634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 89- 677 du 18 septembre 1989 modifié relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;
Vu le décret n° 2003- 735 du 1er août 2003 portant code de déontologie des agents de police municipale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 janvier 2013 :
- le rapport de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur,
- les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public,
- et les observations de MeG…, substituant MeH…, pour la commune d’Auribeau-sur-Siagne ;
1. Considérant que M. D…a été recruté par la commune d’Auribeau-sur-Siagne en qualité de policier municipal le 1er novembre 2002 ; que, par un arrêté en date du 21 octobre 2008, M. D…a été révoqué au motif qu’il aurait effectué des travaux chez un particulier contre rémunération en espèces, conservé 45 souches ou cartes de paiement de timbres amendes et chèques adressés au trésor public de 2004 à 2007, mis à la fourrière des véhicules en signant les formulaires à la place du maire sans l’en informer, conservé 58 certificats d’immatriculation entre 2003 et 2007 et remis un document administratif à une autre personne que son destinataire ; que le conseil de discipline de recours saisi par M. D… a, le 8 juillet 2009, recommandé de substituer à la sanction de la révocation celle d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans ; que M. D…interjette appel du jugement en date du 11 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé, au motif d’une erreur manifeste d’appréciation, l’avis précité du conseil de discipline de recours ;
2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 15 du code de déontologie des agents de police municipale : » Il est interdit aux agents de police municipale de se prévaloir de cette qualité pour effectuer auprès de particuliers (…) des collectes ou des démarches en vue, notamment, de recueillir des fonds ou des dons. / (…) Il leur est (…) interdit de cumuler leur activité d’agent de police municipale avec une autre activité professionnelle, sauf dans les cas de dérogations définis par la réglementation relative aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions applicable aux agents publics » ;
3. Considérant qu’il est notamment reproché à M. D…d’avoir travaillé chez un particulier, contre rémunération, en 2006 ; que si M. D…reconnaît avoir ainsi travaillé de manière ponctuelle chez ce particulier, les pièces du dossier ne permettent pas d’établir que cette activité aurait été exercée dans un but lucratif et aurait constitué, pour le requérant, une activité professionnelle ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu’il est également reproché à M. D…d’avoir remis un document administratif à une autre personne que son destinataire ; qu’il ressort toutefois des pièces du dossier que M. D…s’était assuré, avant de laisser le pli litigieux à la fille de son destinataire, que cette dernière avait été informée et avait donné mandat à sa fille pour réceptionner tout courrier émanant de la mairie d’Auribeau-sur-Siagne ; que les faits ainsi reprochés à M. D…ne sont, dans ces circonstances, pas fautifs ;
5. Considérant, en revanche, en troisième lieu, qu’il n’est pas contesté par M. D… qu’il avait conservé, depuis plusieurs années, 45 souches et/ou cartes de paiement de timbres amendes et chèques adressés au trésor public ; que si le requérant fait valoir qu’il ne lui incombait pas de s’occuper de cette tâche, celle-ci revenant à son supérieur hiérarchique direct, qui avait seul la qualité de régisseur, il ne conteste pas ne pas avoir communiqué à ce dernier lesdits timbres amendes ou chèques ; qu’en outre, M. D…n’établit pas avoir, comme il le soutient, agi sur ordre de son supérieur hiérarchique ; que les faits susmentionnés sont ainsi établis et fautifs ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu’il ressort également des pièces du dossier que M. D… a fait procéder à l’enlèvement de véhicules mis en fourrière en signant les formulaires d’enlèvement desdits véhicules à la place du maire sans avoir obtenu de délégation de ce dernier ; que ces faits sont donc matériellement établis et constitutifs d’une faute ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu’il ressort également des pièces du dossier que M. D… a, en outre, sans qu’il soit établi que le maire aurait été informé de cette pratique ou que des instructions auraient été données en ce sens au requérant, fait procéder à l’enlèvement de véhicules destinés à être détruits tout en conservant et en ne transmettant pas à la sous-préfecture les certificats d’immatriculation afférents ; qu’en ce qui concerne les 58 certificats d’immatriculation retrouvés dans son bureau, il a pu être établi que seuls 11 des véhicules correspondant à ces certificats avaient été détruits et 6 mis en fourrière ; qu’il n’a, en revanche, pas été possible de retrouver la trace des autres véhicules ; que, dans ces circonstances, ces faits sont également avérés et fautifs ;
8. Considérant, au vu des agissements graves et répétés du requérant qui, anciennement gendarme et policier municipal depuis 1997, ne pouvait ignorer, quelles qu’aient été les lacunes de son supérieur hiérarchique direct, les procédures relatives à la transmission des timbres amendes, à la destruction ou la mise en fourrière de véhicules, qu’en proposant de remplacer la mesure de révocation par une exclusion temporaire de fonctions de deux ans, le conseil de discipline de recours a entaché son avis d’une erreur manifeste d’appréciation ; qu’il suit de là que M. D…n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l’avis du conseil de discipline de recours en date du 8 juillet 2009 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : » Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;
10. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d’Auribeau-sur-Siagne le paiement de la somme que réclame M.D…, partie perdante, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune intimée en application desdites dispositions ;
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. D…est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d’Auribeau-sur-Siagne en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A…D…et à la commune d’Auribeau-sur-Siagne.
Délibéré après l’audience du 8 janvier 2013, où siégeaient :
- M. Gonzales, président de chambre,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme Vincent-Dominguez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 janvier 2013.
Le rapporteur,
A. VINCENT-DOMINGUEZ
Le président,
S. GONZALESLe greffier,
C. LAUDIGEOIS
La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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